top of page

T'OFFRE

pour deux voix, dédié « à ma mère »

publié dans la revue L'étrangère en 2019

Extrait d'une lettre à Pierre-Yves Soucy, le 5 mars 2020

​

« Voici, T’offre pour deux voix :

La neige, la pivoine, les ciselures, les stries de lys, l’INRI, les éclats, le clavecin… Tout cela sort de la Table ici ou de l’ombre amont là et revient au même : "Le couteau, le couteau !", dit Nicolas Vsevolodovitch. »

​

Lettre de Pierre-Yves Soucy, le 10 mars 2020

​

« Cher Hisashi,

 

Le dos supporte toujours beaucoup car nous plaçons tout ce que nous avons sur nos épaules, toujours, et tout le temps. Sans porter attention à ce qu’il doit subir. Et ce n’est qu’au moment où il proteste que nous lui accordons quelque attention. Il est possible qu’il en va ainsi de tout le reste. Notre attention est souvent furtive.

Nous nous plaçons toujours dans la polysémie de la parole, et à commencer, à celle des mots, de chacun des mots que nous utilisons quotidiennement. Et nous ne surmontons jamais cette polysémie, sans pour autant qu’elle soit le fin mot de l’affaire. Et un mot ne parle jamais seul, il n’est jamais seul dès qu’il est entendu, car il éveille à toute la réalité possible et imaginable qui l’accompagne. Et il en va ainsi de la neige comme de la lumière, pour le poète comme pour l’artiste. Dans une voix il y a toujours plusieurs voix qui jamais ne se taisent. Elles se font plus discrètes, parfois, s’imposent et imposent leurs présences tangibles ou nerveuses.

Lu attentivement T’offre. Je crois que tu as un engagement pour sa publication. Mais si cela se révélait possible, j’aimerais publier ce texte in extenso dans la revue L’étrangère, plus précisément, dans le no. 51-52 qui doit sortir au plus tard la troisième semaine d’avril. Si jamais cette possibilité se révélait, j’aimerais que tu m’en fasses part au plus vite.

 

Amitié à toi, et à Maryvonne,

                  

Pierre-Yves »

​

Réponse de Hisashi Okuyama à Pierre-Yves Soucy, le 10 mars 2020

​

« Ces reflets du jour ne pèsent rien. L’autre jour, c’étaient des passages de nuages au vent. Aujourd’hui, à travers la noirceur des arbres calcinés, c’est le ciel gris plus sombre qui reflète plutôt l’étendue vert pâle : la mer.

​

L’entre deux étant vaporeux : mince, mince, immense ligne d’affect invisible, mais tu dois sentir s’arquer, perpendiculairement à ton dos, cette blessure ciserale et entendre la muette danse sémaphorique aux anges, NE PAS, NE PAS, NE PAS, gage du trespas (passage), si léger, si lourd…

 

Merci pour ta gentillesse de me proposer de publier T’offre. Cela m’a beaucoup touché. Prends-le, cher Pierre-Yves, puisqu’avant tout c’était toi qui l’a lu le premier.

​

Je serai content de pouvoir enfin dialoguer dans ta revue L’étrangère ; avec ma mère, impossible quand elle était vivante (l’étrange pouvoir, quand même, de la poésie si léger, si lourd)…

​

Peut-être m’appelé-je, moi-même, Friedrich, lui, qui a écrit les impossibles lettres à sa propre mère : "très vénérable mère, suis de cœur votre fils obéissant."

​

Je m’arrête déjà.

 

Hisashi. »â€‹â€‹â€‹

bottom of page