VERRE
pour deux voix
publié aux éditions Mémoire Vivante en 2013
Lettre de Pierre-Yves Soucy pour Verre le 29 juillet 2007
« Chère Madame Okuyama,
Oui, Verre est un texte d'une incontestable qualité, et qui n'est pas simple qualité littéraire et vous me pardonnerez d'avoir mis si longtemps pour réagir à cet envoi. Dire que je ne suis pas toujours maître de mon temps ne signale que l'urgence permanente dans laquelle nous travaillons. Un texte d'une étonnante sauvagerie qui se révèle dans la décomposition de la « phrase » par un montage qui touche le lecteur (et plus encore le spectateur) du seul fait de l'isolement des mots ou des groupes de mots qui retiennent, et qui reviennent dans une course s'effectuant sur une ligne brisée de la voix, sur une ligne à double voix, ici. Un texte d'une violence dissimulée dont il m'est difficile de prendre toute la mesure. Je peux immédiatement comprendre la raison qu'ils donnent lieu à des lectures à une ou plusieurs voix, et que c'est sans doute la manière la plus adéquate pour les faire passer auprès d'un public, ce qui affirme aussi, avec une « efficacité certaine », l'autonomie de la parole. Chaque basculement, chaque tour de parole, éveille une réalité vivante que l'on soupçonne d'abord, mais qui parvient immédiatement à la saisie. On se laisse alors emporter par un libre déplacement qui n'est pas seulement laissé à lui-même. Il s'inscrit dans une « logique », mais ce mot n'est pas approprié ; il faudrait plutôt dire, une cohérence, qui est une façon de faire couler le texte, d'articuler ses enchaînements, de donner l'impression de perdre le lecteur alors que celui-ci se trouve entraîné par le poids des mots. Leur isolement, leur dessaisie apparente, ou même leur économie accentuent leur impact. En ce sens, il s'agit de véritables textes poétiques qui offrent leur singularité, leur Singulière fraîcheur, peut-on dire, sans ne jamais céder aux facilités d'usage courant dans le lyrisme actuel. Nous en sommes à mille lieux. Il faudrait me dire quel avenir vous voyez pour ces textes, non leur avenir en-soi, mais du point de vue de les faire connaître. »